Le secret du Maître
Le Yoga n’est pas un sport, il est bien plus que cela. Le Yoga est une philosophie. Il a d’abord été codifié par des hommes pour des hommes. Discipline et pratique étaient réservées aux seuls initiés mâles : de jeunes indiens, des adolescents « filiformes ». L’enseignement du Maître setransmettait au disciple d’une façon toute confidentielle,comme un « secret bien gardé », oralement. Or de nos jours, que remarquons-nous ? Ce sont surtout des femmes qui pratiquent le Yoga. Le secret du Maître a-t-il été révélé ?
Mais qui est Indra Devi ?
Indra Devi est la toute première femme au monde à recevoir l’enseignement de l’un des plus grands Maîtres du Yoga : T.Krishnamacharya. En 1937, aucune femme, et encore bien moins une étrangère, n’est autorisée à pratiquer le Yoga. Indra Devi, née Eugénie Peterson, est une aristocrate russe exilée. Elle voyage en Inde à partir de 1927. Elle est actrice et danseuse. Fascinée par la culture indienne, elle souhaite vivement être initiée à la discipline yogique. Indra essuie d’abord un premier refus du Grand Maître. Son ami et protecteur, le Maharaja de Mysore, Wodeyar IV, vient en aide à « notre pionnière» : il convainc T. Krishnamacharya, qui consent finalement à dispenser son enseignement à Indra. Celle-ci devient la toute première femme étrangère disciple. Plus tard, elle ouvrira son premier centre de Yoga tout d’abord en Chinepuis à Hollywood, où elle enseignera entre autre à Greta Garbo et Marylin Monroe.
Le Grand Maître déclarera plus tard :
« Je pense que si nous n’encourageons pas les femmes, les grandes traditions indiennes vont mourir parce que les hommes ne suivent pas les règles et règlements védiques. Ils deviennent tous des hommes d’affaires. » Sri Tirumalai Krishnamacharya, 1938
C’est à New York, il y a un peu plus de quinze ans, que je découvre le Yoga. Comme bon nombre de femmes, je tombe amoureuse de la discipline dès mon premier cours d’essai. Il faut dire : je ne me suis jamais sentie aussi bien, dans mon corps, dans ma peau. Mais que m’arrive-t-il ? Je flotte, vers la sortie du cours et tout devient clair. Limpide. D’un coup, je sais comment s’inscrit mon chemin. Je dois désormais vivre le Yoga et m’imprégner de ses mécanismes, ces sensations de bien-être et de légèreté qui m’enveloppent. Ce cours d’essai est révélateur pour moi. Je m’inscris à des cours réguliers : je pratique tous les jours dans un petit centre de Williamsburg à Brooklyn. Au fil des mois et des séances, le Yoga me modifie en profondeur : Il me fortifie. Mais, comment expliquer cette transformation ? La pratique seule ne me suffit plus. J’informe mon professeur de mon désir d’étudier la discipline à sa source, c’est-à-dire en Inde. Mey Elbi m’offre avant mon départ sa copie personnelle de « From Here to Nirvana » d’Anne Cushman. Ce manuel me conduira-t-il jusqu’à mon Guru ?
Sur la route des Indes, une initiation
Nous sommes en 2003. Je pars pour une année d’études en Inde du sud. Je passe deux mois à faire le tour des Ashrams et des Gurus en tous genres. Je finis par poser mes valises à Mysore, ville de l’Etat du Karnataka. À ce moment précis de mon parcours, je ne sais pas encore que je vais vivre là une histoire affective avec cette ville et ses habitants. Mysore est connue pour ses soies, son bois de santal, ses encens, ses élégants palais et c’est également la capitale de l’Ashtanga Yoga.
L’Ashtanga Yoga est une pratique vigoureuse & rigoureuse de Yoga, développée par T. Krishnamacharya et portée dans le monde occidental par K.Pattabhi Jois dans les années 1970. Il s’agit d’un protocole de postures invariables dans leur séquence et pratiqué six jours par semaine.
Dans un Shala populaire de Mysore, parmi des Yogis du monde entier, alors que j’étudie l’Ashtanga Yoga, je suis victime d’un « accident de Yoga ». Après un ajustement un peu trop poussé dans une posture que mon corps n’est pas prêt à recevoir, un de mes genoux lâche. En souffrance, je me trouve dans l’impossibilité de poursuivre mon apprentissage.
J’en suis très affectée. Tout avait si bien commencé, et puis maintenant tout semble fini, tout s’arrête, là, à Mysore.
C’est ma rencontre avec Sudhesh Chandra qui va tout changer. Ce professeur de Yoga me parle pour la première fois de Yoga Thérapie, il m’explique comment continuer ma pratique sans trop solliciter mon genou.
Sudhesh devient mon professeur, je suis son élève pendant un an. Depuis tôt le matin jusque tard le soir, de 5h à 21h, il m’apprend à pratiquer les postures sans forcer mon corps : il s’agit d’adapter les Asana à mon besoin spécifique.
Je l’assiste dans ses cours, il m’initie oralement aux Yoga Sutra, les principes de bases du Yoga. J’apprends les Pranayama, je pratique le Karma Yoga, je suis la seule étrangère parmi ses disciples. En guise d’examen final à cette première formation, mon professeur me laisse les clefs de son Shala. Il m’annonce qu’il part en vacances avec sa famille. Pendant son absence, je dois assurer les cours aux habitants du quartier et enseignements à ses nouveaux élèves. C’est mon examen final.
Après des études dans les 2 plus grandes et anciennes écoles de Yoga Thérapie en Inde, le KYM à Chennai (dont le directeur T.K.VDesikachar n’est autre que le fils de T. Krishnamacharya) et au Yoga Institute de Mumbai, je suis de retour à New York où je poursuis mon apprentissage avec Leslie Kaminoff et Judith H.Lasater. J’approfondis ma formation en Yoga Thérapie, mais pas seulement…
Je deviens maman : le Yoga est partie prenante de cette nouvelle étape de ma vie. Je poursuis discipline et pratique. Mon corps change, il évolue tout au long de la grossesse et après l’accouchement, je comprends et vis dans ma chair la nécessité et les bénéfices du Yoga prénatal et du Yoga postnatal, qui accompagnent le corps tout en douceur et qui participent à sa remise en forme comme à son nettoyage.
À partir de cet instant, je décide de me spécialiser et d’orienter plus particulièrement ma formation en Yoga Thérapie pré & postnatal ainsi qu’au Yoga pour enfants.
En 2007, je retourne en Inde afin de mettre en pratique et de continuer mon apprentissage d’enseignante. Je m’installe à Mysore avec ma petite famille. Je peaufine discipline et apprentissage. Je reprends la gérance d’une Guesthouse fréquentée par des Yogis internationaux et je deviens mère pour la seconde fois.
Le retour au pays…
Quelques années ont passé et me voilà de retour en France. Je suis désormais initiée, prête à enseigner et partager mon expérience Yogique. Je choisis d’ouvrir mon propre centre à Annemasse, en Haute-Savoie.
Je propose plusieurs cours de Yoga : Yoga Thérapie et Vinyasa Yoga, Yoga prénatal, Yoga postnatal et Yoga famille. Je forme également des enseignants au Yoga enfants en développant ma méthode : Le « Karma Chocolat Yoga », basée sur une philosophie d’apprentissage par le mouvement. Cette méthode améliore la motricité des enfants et leur confiance en eux tout en respectant les différentes phases de leur développement.
Mars 2014, retour en Inde. Cette fois, mon séjour ne durera que quelques semaines. Je ne voyage pas seule. Sept femmes, mes élèves, m’accompagnent. Nous allons ensemble à la découverte de Mysore, cette ville que j’aime tant. J’y retrouve mes amis, Maîtres indiens et Yogis. Des odeurs, des couleurs qui n’ont de cesse de faire battre mon cœur.
Notre voyage est d’autant plus initiatique qu’il est l’occasion pour mes élèves et moi-même d’emprunter les pas d’Indra Devi, la « première dame du Yoga ».
Un ami réalisateur nous accompagne, il me suivra pour mon enquête, au Palais et aux archives de Mysore, mais aucune traces. Finalement mes meilleures sources viennent des États-Unis d’un professeur de Yoga qui est passionné par l’histoire de cette grande Dame du Yoga. Je fini par filmer des portraits croisés de Mysoriens en leur posant des questions sur l’importance, entre autre, du yoga dans la vie des femmes.
Ce dernier voyage indien, peut-être parce qu’il n’a été qu’un simple voyage, m’a renvoyé bien plus à l’intérieur de moi-même que mes voyages précédent. Il m’a ramenée à mon « Moi » profond. L’Inde est un pays propice à ce retour sur soi-même : éveil ou renaissance. Comme nous devons y parvenir par la pratique du Yoga.
C’est de cet éveil ou renouveau des sens dont je parle dans mes cours. En tentant de répondre à des besoins qui sont très spécifiques, j’essaie de transmettre à mes élèves un outil : le Yoga comme mode de vie.